En lisant Le moine et le philosophe, je suis tombé sur cette citation de Alan B. Wallace (tirée de Science et Bouddhisme, à chacun sa réalité) :

Les axiomes mathématiques étaient considérés jusqu'à récemment comme des évidences qu'il n'était pas nécessaire de prouver. Or au siècle dernier des mathématiciens ont suggéré que les postulats d'Euclide, par exemple, ne sont ni vrais ni faux, ce sont simplement les "règles du jeu." [...] Il est maintenant devenu clair que les axiomes mathématiques sont directement ou indirectement dérivés de notre expérience, et qu'on ne peut donc dire que les mathématiques embrassent des lois d'une réalité totalement indépendante de l'expérience.

Cette citation exprime très bien l'approche mathématique moderne. Il est courant de rencontrer des gens qui pensent que les mathématiciens sont à la recherche de vérités ultimes et que leurs travaux sont totalement objectifs. Or, seul le processus mathématique est objectif, les bases sur lesquelles on construit les théorèmes, les axiomes, sont purement subjectives.

On se donne des règles de façon arbitraire, puis, en procédant selon les seules lois de la logique, on développe une théorie complexe et cohérente. Cependant, cette théorie n'est jamais plus "réelle" ou "vraie" que les axiomes qui la supportent et comme ces derniers ne sont pas plus objectifs que des dogmes religieux, on peut développer une théorie mathématique qui n'est pas plus "vraie" que ceux-ci.

Nombre de mathématiciens étudient des objets abstraits qui n'ont aucune ressemblance avec les objets que l'expérience quotidienne nous amène à rencontrer. Toutefois, la majorité des mathématiciens (dont moi-même) étudions des théories mathématiques qui reposent sur des axiomes qui ont été formulé de telle sorte qu'ils représentent le plus fidèlement possible le monde qui nous entoure.

Lorsqu'on fait des mathématiques, ce qui nous intéresse c'est le processus mental, le cheminement logique qui nous mène des axiomes aux théorèmes les plus complexes. Quiconque prétend que ces théorèmes s'appliquent au réel fait un acte de foi qui n'est pas plus valable et qui l'est tout autant que l'acte de foi que fait celui qui choisit de suivre une religion.